Paris-Istanbul à vélo, printemps 2022 suite et fin

Je reprends donc le récit à Thessalonique. 

La ville est moderne et très laide. Partout des immeubles de béton, entre lesquels survivent malgré tout quelques sites archéologiques. La vieille ville aux petites maisons colorées est très excentrée et dépourvue de tout commerce, ça me fait bizarre. On retrouve Félix le soir qui vient aussi d'arriver et que je n'avais pas vu depuis l'Albanie !

Maxime part plus tôt que moi et Félix décide de rejoindre des allemandes qu'il a croisées plus tôt. Je me retrouve à nouveau seul pour quatre jours puis je finis par rattraper Maxime à Alexandroupolis. Entre temps, je dors dans des campings ou sur des plages près d'Αγ. Γεώργιος et de Nea Eraklitsa. Il fait chaud (33 degrés à l'ombre). Heureusement que l'air marin rafraichit un peu la sueur. La mer émeraude s'efface paisiblement derrière un voile qui dissimule l'horizon. Surnaturel. 

Pause à Kavala où j'appelle la famille. Je repars avec le sourire, même si ça me fait toujours un peu bizarre de me retrouver à nouveau seul en raccrochant. Ils commencent à me manquer un peu ...
Sur une plage je bivouaque aux côtés de Florien, un autrichien qui compte aller jusqu'en Asie centrale à moto (j'ai fini par accepter de discuter avec les motards). J'apprends qu'il est dans l'ingénierie mécanique, on continue à parler puis je lui demande dans quelle type de mécanique il travaille : les armes. J'arrête de bavarder avec lui.  

La faune se densifie. Du moins je le suppose aux vues des nouvelles espèces que je retrouve écrasées sur la chaussée : buse, fouine, chouette, renard ... Je continue néanmoins à voir des bébés tortues traverser devant moi, et j'observe même des guêpiers d'Europe ! Un après midi, alors que je suis au milieu de nulle part, cinq chiens foncent droit sur moi du fond d'un champ et me coursent sur un bon kilomètres dans un faux plat. Mon cœur bat la chamade. Plus tard, une voiture s'arrête et on me tend des bananes avec un sourire. Je demande de l'eau à des dames et je repars avec plein de gâteau. J'achète des fruits et au moment de payer on me dit que c'est un cadeau. Même si je n'aurais pas réussi à me faire héberger (je n'ai essayé que deux fois ...), les grecques sont vraiment sympas. 

Le dernier jour avant Alexandroupolis est éreintant. La belle route côtière sans voiture a cessé, et je dois prendre des chemins caillouteux qui font les montagnes russes. Il fait toujours aussi chaud et j'ai quitté l'air marin, mes mains glissent sur le guidon. Les chiens sont souvent attachés, mais je passe à côté d'un terrain militaire gardé par des molosses ... à l'extérieur de l'enceinte ! Forcé de descendre de vélo, ils ne me lâchent pas et je finis par leur hurler dessus ce qui les calme un peu. J'arrive au passage dans la rivière où est tombé Maxime. Il n'y a qu'une quinzaine de cm de profondeur mais le sol est glissant et le débit puissant. Je fais moins le malin que lui et mets pieds à terre. Ça passe tout seul. Un homme en tracteur passe devant moi et m'apprend qui est fermier (il me hurle avec fierté "I'm farmer !"). Pause sieste sur le bord de la route entre les tracteurs et les chiens qui aboient. La chaleur et les Dolmades auront eu raison de moi. Je me fais réveiller par un enfant qui passe sur son vélo en me disant bonjour de toutes les langues qu'il connait. Le sourire revient. 

Je retrouve Maxime au camping où l'on rencontre Alain, la soixantaine, qui ne voyage qu'avec deux petites sacoches et ne parle pas un mot d'anglais (il fait des blagues françaises à des allemands qui ne comprennent rien). Il nous dit qu'il revient d'Istanbul, et que malgré toutes les villes du monde qu'il a parcourues à vélo, il n'a jamais roulé dans un endroit aussi horrible. Ça nous d'échauffe un peu, au point d'envisager de prendre un bateau sur la Mer de Marmara qui nous conduirait directement dans le centre-ville. Finalement la fierté revient : on ira jusqu'au bout à coups de pédales !

Je récupère en poste restante le drapeau français que m'a envoyé ma mère, sans oublier des pâtes de fruits et du chocolat. Merci maman !

Le lendemain nous passons la frontière turc alors que des drapeaux monumentaux flottent au vent. On nous dit que nos sacoches vont passer à la douane mais rien ne se passe. Je réalise que j'aurais pu transporter n'importe quoi depuis la France. Nous traversons un pont bordé de barbelés faisant office de no man's land. Les militaires grecques et turcs se toisent à cinq mètres. J'ose demander si l'on peut prendre une photo du pont, en vain évidemment. Après trois majestueux postes de douanes, nous entrons enfin en Turquie ! Les camions font la queue sur des kilomètres en sens inverse alors que nous avons la route pour nous. Chaque passage de frontière apporte ce vent grisant de liberté. C'est le retour des minarets et l'arrivée des kebabs à chaque coin de rue. Nous nous arrêtons à Kesan, et enchaînons les restau tant les prix sont bas !

Je n'ai jamais vu tant de déchets plastiques. Je découvre pour les premières fois les verres d'eau  empaquetés dans des gobelets comme des yaourts. Chaque curre dents a son propre sachet et l'on ne nous comprend pas quand nous refusons les sacs plastiques. 

Il n'y a qu'une quatre voies pour aller directement à Istanbul, mais le bas-côté fait deux mètres de large. On s'arrête régulièrement pour des pauses thé sur les aires d'autoroute, et l'on réussi même à manger des pâtes au fèves à la marmite des routiers. Ils me demandent avec un regard noir pourquoi je n'ai pas de drapeau turc, j'essaie de leur expliquer que j'en achèterai un à Istanbul. 
Le dernier jour, le béton est partout, plus imposant que jamais. Les gens traversent la quatre voie en enjambant le terre-plein central. Les maisons au bord de la route se densifient, les arrêts de bus apparaissent. Le plus dangereux, se sont les voies d'insertion qui nous obligent à être coincé en sandwich entre les voitures.

Après 50km éreintants dans les embouteillages : le Bosphore ! Je suis aux anges, d'autant plus que Laura me rejoint dans deux jours. 

© 2022 Simon Couaillier. Tous droits réservés.
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